Simon | Odyssée #9 ~ Le besoin de créer du nouveau
Beth Harmon ~ Radio Odyssée S1E2 - Mélanie Vacher. Noam Chomsky ~ Sortir du script pour inventer ~ Les Portes de la perception ~ Reformaliser la réalité ~ L'oeuvre d'une vie ~ Effet Lindy
Holà ! Je suis Simon Dautheville. Odyssée vous aide à appréhender le travail du futur et l’économie d’internet pour construire votre carrière créative. J’y partage aussi les coulisses de mes projets et mes défis 30 jours.
Gmail n’en fait qu’à sa tête. S’il vous plait me laissez pas au milieu des pires pubs du monde 😟 Sortez moi de votre onglet ‘promotion’ pour m’ajouter au ‘principal’.
Au menu de cette édition :
Edito : Mon sport n’a jamais été aussi hype — merci Beth
Radio Odyssée : l’épisode 2 avec Mélanie ~ Un artiste est aussi un entrepreneur
Essai : Le besoin du créer du nouveau
Je vous souhaite une agréable lecture :)
Salut 👋
Mon sport n’a jamais été aussi hype ♕♚♗
Depuis que Beth Harmon est une rockstar, des milliers de nouveaux joueurs affluent sur les plateformes. the Queen’s Gambit est un tel délire que chess.com vous permet même de la défier a ses différents âges. Je la bats jusqu’à ses 15 ans et vous mets au défi :)
En tant que joueur d’échecs, ça me fait plaisir qu’une oeuvre sur ma passion d’enfant soit réussie. C’est le plus gros coup de projecteur sur le jeu depuis la victoire de l’ordinateur Deep Blue sur Kasparov en 1986, et sa victoire de 1996 sur une foule de 50 000 joueurs.
** Attention SPOILER ! **
Beth Harmon s’inspire de Bobby Fischer. Bobby, c’est un type erratique qui a changé les échecs. Un crack devenu champion du monde à 19 ans, avant que sa carrière ne s’arrête nette la même année. Vous pouvez découvrir son histoire incroyable dans le super film Le Prodige.
La série est souvent fidèle à la réalité, fait rare au cinéma. Le fairplay caractéristique des échecs est bien représenté — comme lorsque le concierge dit à raison à Beth “Resign. This is a question of respect”. Quand la position est désperée, on abandonne par respect. Si l’adversaire nous a amené jusque là, il saura nous maté.
Le meilleur exemple de ce fairplay pourrait se trouver en 1972. Au milieu de la guerre froide, le russe Spassky affronte l’américain Bobby fischer dans “Le match du siècle”.
Dans ce sixième match des championnats du monde, Fischer joue une si belle partie que Spassky se lève pour l’applaudir — Comme dans la série, quand Beth gagne contre Borgov. Quand Bobby s’empare de la couronne en 1972, c’est Zidane aux Etats-Unis et l’Américain le plus connu au monde.
Il y a de nombreux autres clins d’oeils. On y voit par exemple “La nuit à l’opéra” lors d’un blitz entre Benny et Beth. Cette partie qui fut jouée à Paris en 1858 par Paul Murphy est la plus célèbre du jeu.
Paul Murphy est mentionné par Harry Baltik : “tu vas finir comme Paul Murphy” — champion du monde à 21 ans, puis fin de carrière façon Fischer.
Toutes les parties jouées sont des originales. Les réalisateurs ont bossé avec Gary Kasparov pour la cohérence, et il s’est fait un point d’honneur d’inventer des nouvelles parties — un régal pour les joueurs.
L’aspect ‘équipe’ est exagéré mais réel — Exagéré, car il est peu probable que d’autres joueurs eurent aidé une femme dans les 50’s; et réel car les joueurs travaillent en équipe, comme lorsque que Baltik et Benny l’aident face à Borgov — qui est lui-même aidé par son équipe.
La visualtion dans l’espace de Beth est scénarisée mais fidèle. Lorsque vous êtes sur l’échiquier, à partir d’un certain niveau d’habitude, vous calculez. Les pièces restent statiques, mais vous les voyez bouger dans votre tête. J’ai donc adoré cette série et vous la recommande, tout comme cette vidéo ci-dessous.
Si vous aimez le jeu et voulez progresser, Ulysse Lubin a récemment relevé le défi de s’entraîner pour battre un expert en quelques semaines. Il a documenté tout son processus dans une super vidéo.
Je vous incite à la visionner et à venir me défier en mp sur Insta !
Et pour les amoureuses et amoureux du jeu, voici une devinette : les blancs jouent et matent en deux coups. J’enverrai une petite surprise à la première personne qui me donne la bonne réponse :)
S1E2 : Mélanie Vacher, un artiste est aussi un entrepreneur
Mélanie est illustratrice, vidéaste et dessinatrice de Webcomics sur WEBTOONS — le youtube pour BD. Sa nouvelle création, Before Sarah, est sur le point de sortir. Allez jetez un oeil à son travail, c’est magnifique.
Dans cette conversation, vous découvrirez :
⚗️ Comment Mélanie cultive sa singularité
🎨 Passer du loisir à l'intention artisitique
🚧 Baisser les barrières créatives pour se lancer
☀️ Trouver son identité créative
💵 Artiste ? Souriez, vous êtes aussi entrepreneur
🧰 Dominer nos outils VS ces outils qui nous utilisent
On a aussi parlé de sa BD Before Sarah qui sort bientôt, d'artisanat et du futur du travail.
Episode disponible sur toutes vos plateformes
Et ici sur Apple Podcast
Si vous aimez Radio Odyssée, le meilleur moyen de récompenser mon travail est de laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast :)
Je suis certain que vous y puiserez de l’inspiration et en ressortirez galvanisé. Comment pourrait-il en être autrement quand notre invité aun tel atelier ?
📢 Disclaimer : vous trouverez une plume plus politique qu’à l’ordinnaire. Disons que les événements réçents m’ont pas mal occupé l’esprit — ça pourrait se voir dans les exemples.
Le besoin de créer du nouveau
“Un élément fondamental de la nature humain est le besoin pour le travail créatif, la poursuite créative, pour la création libre sans les limites des institutions coercitives”.
En admettant qu’il existe une nature humaine, ces mots de Noam Chomsky incarnent ce que je ressens au quotidien : le besoin de créer du nouveau, qu’il s’agisse d’art, de politique ou d’un osso bucco.
Quand plusieurs jours filent sans que je ne crée rien de nouveau, je suis malheureux et ne m’épanouis pas. Inventer n’est donc pas une option, mais une composante essentielle de ma vie.
Sortir du script pour créer et inventer
Nous vivons à une époque où donner libre court à sa création est (souvent) possible. Je crois que c’est une chance, et aussi une responsabilité. Que ce soit dans notre travail créatif, dans nos relations ou face à l’ampleur des crises sociale/environnementale/économique/philosophique… nous devons inventer de nouvelles idées et solutions.
Autant le dire d’entrer : inventer, c’est super dur. A l’inverse de l’innovation qui utilise l’existant pour l’améliorer, inventer requiert de s’en extraire. Créer du nouveau ne peut pas s’appuyer sur ce qui existe.
Lorsque nous partons de l’existant pour inventer, nous ne pouvons pas penser en-dehors des idées du passé. Nous leur appartenons et les utilisons comme point de départ. Il est alors impossible de concevoir des nouveaux concepts.
Inventer nécessite de s’en extraire, car on ne peut pas imaginer ce qui n’existe pas à partir de ce qui existe.
Poster vu dans les locaux de votre startup préférée.
Par exemple, l’institution judiciaire est née dans une société de classes figée.
Bien que cette institution me semble nécessaire — et bien qu’elle réponde peut-être à un instinct inné —, la justice actuelle provient directement des idées de cette époque. Par exemple, il était admis dans l’idée des inventeurs des lois actuels qu’un bon pauvre est un pauvre qui se tient sage (cc David Dufresne).
La mission de la justice consiste alors à maintenir le peuple tranquille. L’indépendance existe, mais la différence de traitement est notable : pour les mêmes faits, le pauvre mange plus que le riche. Cela existe car la mission de la justice est biaisée dans sa construction.
Voyons les choses sous un aute angle. Imaginons que la justice ait pour mission d’accompagner les déviants, plutôt que de les punir. Ses priorités deviennent le soin, l’éducation et le lien social — les lois changent immédiatement.
Deux salles deux ambiances
Bon, dans la réalité, nous faisons tellement l’inverse que nous avons créé deux nouvelles religions : l’innovation (en entreprise), la réforme (en politique).
Innover revient à mélanger plusieurs choses qui existent pour créer une autre chose. C’est la métaphore des idées qui font l’amour. Réformer revient à partir du réel formalisé, pour le transformer “de l’intérieur”. Innover ou réformer ne crée pas du nouveau, il se sert du nouveau inventé et le façonne.
Quand Mark Zuckerberg invente pendant ses études l’algorithme de la lecture automatique, il invente. Quand Youtube le met en place sur ses vidéos, ils innovent. Chacun est important, aucune hiérarchie. C’est juste deux salles deux ambiances.
Pour générer des idées originales et les appliquer, il est nécessaire de s’extraire des cadres existants.
Paris, mars 2020, marche pour les droits des femmes.
Pour créer une société nouvelle, il faut rompre avec les cadres qui nous pré-existent et nous limitent. C’est pour cela que dans l’histoire, nombre de révolutionnaires ont proposé de changer les jours de la semaine, voire sortir du concept de semaine (car ce n’est qu’un concept, lundi n’existe que parce que le croyez).
Les week-end et les vacances n’existent que parce qu’on y croit.
“Week-end” et “vacances” sont des concepts vides qui n’existent que parce que vous y croyez; parce que nous y croyons en tant que société. Ils sont récents — Les vacances en France datent de 1936 et il est légitime de questionner leur bien fondé, car ils régissent nos vies.
Au final, pourquoi attendre ces moments là pour sortir & s’amuser, ne rien faire ou voyager ? Ne puis-je pas le faire quand je le veux ? Accepter ces cadres conceptuels limite mon existence, et je veux m’en extraire pour inventer ma vie.
Reformaliser la réalité
Dans son livre Les portes de la perception, Aldous Huxley raconte son expérience sous mescaline — une drogue produite via les racines d’un cactus que les Amérindiens consommaient fréquemment. Il y explique comment son cerveau ne se limite plus au réel formalisé, aux catégories existantes, mais comment il explore d’autres perceptions :
“Je me trouve d’accord avec l’éminent philosphe de Cambridge, le Dr C. D. Broad, quand il dit que “toute personne est, à tout moment, capable de se souvenir de tout ce qui lui est jamais arrivé, et de percevoir tout ce qui se produit partout dans l’univers. La fonction du cerveau est de nous empêcher d’être submergés et confus sous cette masse de connaissances en grande partie inutiles et incohérentes, en interceptant la majeur partie de ce que, sans cela, nous percevrions ou nous rappellerions à tout instant, et ne laissant que ce choix très réduit et spécial qui a des chances d’être utile en pratique.”*
Tout individu est à la fois le bénéficiaire et la victime de la tradition linguistique dans laquelle l’a placé sa naissance, — le bénéficiaire, pour autant que la langue donne accès à la documentation accumulée de l’expérience des autres; la victime, en ce qu’elle le confirme dans la croyance que le conscient réduit est le seul conscient, et qu’elle ensorcelle son sens de la réalité, si bien qu’il n’est que trop disposé à prendre ses concepts pour des données, ses mots pour des choses effectives.
Ce que, dans le langage de la religion, l’on appelle “ici-bas”, c’est l’univers du conscient réduit, exprimé et en quelque sorte pétrifié par le langage.”
*Pour les puristes, le Dr C. D. Broad commente Bergson — philosophe qui parle beaucoup de créativité, un type fascinant.
Sans vous inciter à prendre de la mescaline,
Je crois que c’est vers ce genre d’état d’esprit que la création nous emmène. Créer du nouveau est difficile car nous devons nous extraire de ce qui nous apparait comme réel — et qui n’est qu’une formalisation du réel par d’autres personnes.
Il me semble alors qu’il est de notre responsabilité de se détacher de ces catégories existantes pour répondre à ce besoin de créer du nouveau.
Si vous cherchez la gloire (posthume), ça sera le meilleur moyen; et si vous souhaitez mener une vie riche, intense et pleine de sens, ça semble être une bonne voie.
L’oeuvre d’une vie
Créer du nouveau reflète le travail d’une vie.
Darwin n’est pas arrivé avec sa théorie de l’évolution après quelques semaines de travail. Il s’est d’abord fait recaler de toutes les universités, puis a changé de domaine de recherche au contact de la nature. Il s’est ensuite dédié à l’observation du vivant, puis a formalisé un nouveau réel : sa théorie de l’évolution.
Les GAFAM font la même chose. Ils créent un nouveau réel sur lequel s’appuie toute -ou presque - notre génération d’entrepreneurs qui rêve de fonder une billion company technologique. Il est peu probable que les prochaines grandes entreprises qui créeront les nouvelles règlent du jeu s’appuient sur ces mêmes ressorts.
Je vous conseille l’écoute du podcast avec Alex Masmej pour découvrir d’où viendront très sûrement ces nouveaux géants.
Au niveau politique et organisation collective, ce réel provient de la révolution conservatrice* des néo-libéraux. De VGE à Thatcher, Reagan et Macron, ces dirigeants ont imposé un cadre conceptuel social et moral : la réussite sera professionnelle, le travail sera l’étalon de votre valeur sociale et la solidarité sera perçue comme de l’assistanat pour les misérables perdants d’un monde où la compétition économique précède à l’épanouissent spirituel et affectif.
*Jusqu’à 1968, les initiatives de démocraties directes sont légion dans le monde : en France certes, mais aussi au Mexique, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Italie, en Belgique, en Chine… A ce moment-là, le rapport de force a été gagné par les néo-libéraux (pas par les urnes!). Il s’agit donc bien d’une révolution conservatrice, même si le terme vous est étrange ou nouveau.
Les mouvements de gauche actuelle s’appuient sur ce réel pour le critiquer, voire le réformer pour les plus institutionnels — comme La France Insoumise. Rares sont les idées d’organisation collective qui s’extraient de l’existant. Il me semble pourtant qu’elles s’appuient sur deux types de connaissances : nouvelles et Lindy.
Connaissances nouvelles & connaissances Lindy
L’effet Lindy caractérise tout ce qui se renforce avec le temps (coucou l’antifragilité). Par exemple, une pièce qui se jouent 100 fois à Broadway sera très probablement jouée 200 fois, puis 400 fois et ainsi de suite. Les classiques viennent avec le temps.
C’est la même chose pour les connaissances. Nous savons comment allumer un feu depuis des milliers d’années, donc nous saurons toujours le faire dans 100 000 ans. A l’inverse, nous ne savons déjà plus comment utiliser un lecteur DVD.
Ce qui est essentiel et éprouvé par le temps se transmet, pas le reste. On retrouve cette idée chez Marc Aurèle. Dans Pensées, il souligne toutes les deux pages la nécessité de poursuivre les “principes directeurs”.
Il s’agit de ces perles de sagesse qui s’appliquent peu importe le contexte. J’essaye de fonder mon travail sur ces principes directeurs, plus celles tirées de mon imaginaire.
Dans la création, viser le Lindy est exigeant. Pourqu’un texte soit pertinent dans 100 ans, son idée doit être singulière ET générale. Ce genre d’idée est rare, souvent car elle est nouvelle. C’est ce que je vise avec Odyssée : rédiger des newsletters pertinentes dans quelques années. Pour la décennie, on donnera tout sur le livre !
Inventer son genre, son domaine ou une nouvelle organisation collective est possible. Ca prend du temps, c’est exigeant et souvent délicat à tenir.
Mais la perspective de pouvoir inventer ses règles est libératrice. Celle de le faire à l’échelle collective m’apparaît aussi nécessaire qu’enthousiasmante. Dans les deux cas, créer du nouveau est un besoin irrépressible et le formaliser sera l’oeuvre d’une vie.
Tous les créateurs s’appuient sur leur imaginaire, soit un mélange entre ce qu’ils expérimentent et interprètent.
Créer suppose cette capacité d’abstraction, de mise en perspective et d’appropriation du monde.
Alors surfez sur vos intérêts, cultivez votre singularité et inventez votre imaginaire.
Vous verrez, c’est chouette ✌️
Si cet essai vous a plus, vous pouvez ajouter un 💗 en bas de cet email ~ ça m’aide et ça m’encourage :)
Merci de m’avoir lu,
Excellente semaine,