Simon | Odyssée #8 ~ Comment les créateurs gagnent-ils de l'argent ?
Fast-travelers ~ Creative House ~ Radio Odyssée S1E1 : Alex Masmej ~ Modèle économique des créateurs ~ Longue traîne ~ 1000 & 100 fans ~ La pyramide des créateurs
Holà ! Je suis Simon Dautheville. Odyssée vous aide à appréhender le travail du Futur et l’économie d’internet pour construire votre carrière créative. J’y partage aussi les coulisses de mes projets et partage mes défis 30 jours. Si cet email vous a été transmis, par ici pour vous abonner et par là pour lire les archives.
Salut les amis 👋
Le Vendée Globe est parti. En tant que marin, ça serait un rêve de faire le tour du monde.
D’ailleurs, savez-vous qui est le premier humain à l’avoir fait ? Sinon, un article a nourri le débat du télétravail : taxer les télétravailleurs pour aider ceux qui ne peuvent pas le faire. A votre avis, qui a pu venir avec une telle idée ? Réponse en fin de newsletter. Pour commencer cette édition, j’ai une dernière question pour vous :
Que connaissez-vous du monde ?
Je réalise que jusque là, je n’y connais trois fois rien.
La norme du voyage consiste à rester quelques jours sur place, ce qui ne permet pas d’absorber une atmosphère. Nous avons l’habitude de voyager vite car nous avons des week-ends et des vacances. Nous travaillons pour partir, pas pour découvrir.
Découvrir nécessite de s’immerger. En voyageant vite, nous n’avons qu’un pixel de la photo. La mosaïque de réalités échappe au court-terme — mais nous avons l’impression de vivre. Nous sommes des fast travellers.
Nous consommons des voyages et racontons les histoires. Mais que reste-t-il un an plus tard ? Les seuls voyages qui m’ont changé ont tous duré un mois minimum. Voyager une semaine m’intéresse de moins en moins. Pas vous ?
Sauf en Islande, mais passer une semaine à dormir dans une voiture au milieu des merveilles naturelles déforme le temps.
Partir un mois ou plus autorise à prendre son temps sans pression du retour. Il s’agit même moins de voyager que de vivre. Le monde est trop vaste pour se contenter du script économiser pour voyager une semaine.
A mesure que le télétravail se normalise, la liberté géographique devient mainstream. C’est l’un des atouts d’un job créatif. Mais comment l’utiliser ? Monter dans l’avion direction Bali ? Retaper une baraque en Ardèche ? Claquer un smic dans un 8m² à SF ?
Parfois, cette liberté m’angoisse car elle me met face à l’immensité des possibilités.
Attention, ici je ne parle pas de liberté dans le sens d’exercer son libre-arbitre. Il ne s’agit pas de choisir entre un yaourt et un cookie pour le goûter, ou tel projet plutôt qu’un autre.
Je parle de la liberté comme l’aventure d’être soi, de porter sa singularité en insigne. Cette définition est bien plus ambitieuse, car il s’agit de devenir son propre maître et d’aligner ses actions avec sa personne entière, dans toute sa complexité.
La liberté est donc un acte radical car elle nous force à rédiger notre script, à créer du sens selon notre perception. Même si c’est difficile, c’est aussi enthousiasmant : nous avons le pouvoir de façonner notre existence.
Vivre à l’étranger fait partie des possibilités infinies — et je crois qu’aujourd’hui est le meilleur moment pour le faire. Autant voyager, c’est foutu; autant partir au Mexique ou à Lisbonne pendant quelques mois est possible. Qu’est-ce qui vous retient de le faire ? Qu’est-ce qui me retient ? Certainement pas l’ambiance en France…
L’anxiété généralisée, la reconfinada, le coût de la vie, l’hiver, la difficulté de voir ses proches… Quand je vois mes amis qui sont partis à l’étranger, je crois qu’ils ont raison. Surtout que c’est un moment idéal pour rester un mois, voire plus. Il se pourrait même que ce soit un excellent timing pour retester la colocation on demand.
Peut-être connaissez-vous les Hacker Houses, ces maisons où se réunissent des indépendants. On peut y rester le temps que l’on veut, il n’y a pas de paperasse et pas de frais.
J’y avais passé du temps à Paris. C’est un univers privilégié pour nouer des relations fortes — un peu comme une coloc en Erasmus. Et c’est à portée de main, surtout que les prix des locations chutent.
Cet appart a beau se trouver dans l’incroyable quartier d’Exarcheia à Athènes, il ne coûte que 320€/mois pour 10 personnes, tout compris. Sûrement moins que votre appart.
Exarcheia est un quartier auto-géré où il n’y a même pas de distributeurs. Ce fut le centre de la résistance contre la dictature des colonels entre 1967 et 1974. Depuis, c’est devenu un lieu fondé sur la solidarité, la gratuité, l'échange, la démocratie directe et l'autogestion. Un dépaysement, en somme.
Monter ou rejoindre une coloc de créateurs et créatrices. C’est ce à quoi je pense en ce moment. Exarcheia n’est qu’une idée, ça peut se faire en Amérique Latine ou en Asie, tant que le pays est accueillant, abordable et pas trop massacré par le covid.
Le monde nous ouvre ses bras, donc pourquoi ne pas commencer 2021 dans une Creative House à découvrir un autre pays, à connecter avec de nouvelles personnes et à s’entraider dans nos projets.
Ca me semble bien plus sexy que de rester en France à me soucier de mon attestation. Puis la vie d’expat… Quand on aime, difficile d’en revenir. Mais avant de vous envoyer des photos du soleil, voici le menu du jour :
Le podcast Radio Odyssée est sorti ! Pour le premier épisode, jai reçu Alex Masmej, entrepreneur dans la blockchain. Il nous raconte des histoires ahurissantes sur le futur des créateurs (et le présent des early adopters).
L’économie des créateurs, partie 2 : comment gagnent-ils de l’argent ?
4 nouvelles douceurs dans la playlist Odyssée
C’est parti !
S1E1 : Alex Masmej, de Boulogne à San Francisco
Un premier épisode où Alex nous parle de blockchain et du futur des créateurs, de l’art et des communautés. Alex nous explique comment cette technologie de rupture a changé sa vie — et en quoi ça pourrait bien changer la votre aussi (et vite). Découvrez :
L’histoire d’Alex, de Boulogne à San Francisco en quelques tweets
Comment convaincre 30 personnes d’investir 20 000$ sur soi alors qu’on n’a pas d’entreprise (et que personne ne l’avait jamais fait) ?
Pourquoi et comment créer une monnaie personnelle quand on est créateur ou créatrice ?
Comment se débarasser des plateformes artistocrates à la Spotify pour posséder pleinement ses oeuvres (et en capter plus de revenus) ?
Les communautés du futur : transparentes, décentralisées et horizontales (et scalables)
👉 Vous pouvez écouter l’épisode ici et voici les ressources mentionnées dans l’épisode :
Roll : créer sa monnaie sociale
Foundation : acheter et vendre (son) art à un prix dynamique
OurZora : posséder à 100% ses créations
Le vote quadratique : la Démocratie 3.0 — avec un IMMENSE D
Les paiements quadratiques : les fondations d’une nouvelle démocratie
Les créateurs ne subissent pas la crise (partie2)
Le modèle économique des créateurs
Dans la première partie, j’expliquais que l’économie d’Internet tourne sur la pub. Dans cette partie 2, vous découvrirez quelques idées pour déterminer votre modèle économique (ME).
Ce mot barbare signifie “comment est-ce que je gagne de l’argent”. FB a la pub, un freelance a ses clients et un CRS a sa matraque. Chacun son style.
Comment papa gagnait-il de l’argent ?
Il existe une dizaine de ME et avant d’entrer dans le détail des créatifs, les connaitre peut vous inspirer pour le votre :
La vente de produit, la vente de service, l’accès à une ressource partagée (salle de gym ou musée), l’abonnement, l’achat-revente, la location, la représentation commerciale (à l’instar des agents d’acteurs), l’agrégation d’un public (= vente d’une audience à des publicitaires), le prêt d’argent, l’option (des places de ciné par exemple — donc vendre la possibilité de faire X), et l’assurance.
Puis Internet est arrivé — et tout n’a pas changé.
Internet arriva, et les makers furent
Internet — la tech — n’a pas modifié fondamentalement ces ME, mais il permet de les mélanger.
Amazon fait de l’achat-revente, de l’abonnement, de la vente de produit et de services. Le distributeur d’énergie EkWateur fait de l’achat revente, et vend des services complémentaires (aident pour investir dans des panneaux solaires).
En revanche, Internet a changé l’accès à son audience. Aujourd’hui, je peux vous contacter individuellement pour 0€ — ce pour quoi les créateurs du XXème auraient coupé leur main droite.
Cela permet de créer des produits pour une petit audience — et d’en vivre. Nombre de développeurs ont pris cette voie. Ils construisent des produits pour leur communauté, souvent sur le modèle de l’abonnement (ce qu’on appelle les logiciels à la demande — SaaS en anglais).
La longue traîne
Avant Internet, nous pouvions accéder aux hits — mais pas aux petits créateurs. Du fait de la place limitée pour stocker les oeuvres, les distributeurs ne vendaient que ce qui se vendaient le plus. Thriller s’est vendu à 66 millions d’exemplaires et Harry Potter à 450 millions. Il s’agit de la première partie de la longue traîne.
La longue traîne désigne la possibilité de voir co-exister ma newsletter avec les articles du Monde Diplo et Radio Odyssée avec France Culture. Virtuellement, nous sommes à un clic l’un de l’autre. Avant, les hits étaient les vaches à lait. Aujourd’hui, les petits créateurs représentent la majorité du volume d’affaire — à l’instar d’Amazon :
Internet a provoqué cette bascule en changeant trois aspects de l’économie :
Décentralisation de la production : je rédige cette newsletter depuis chez moi (gratuitement)
Décentralisation de la distribution : je vous l’envoie sans l’aide d’un journal (gratuitement)
Décentralisation des moyens de financements : je peux me faire payer directement et lever des fonds sans partenaire institutionnel (gratuitement, ou presque)
En tant que créateurs, nous n’avons pas besoin de parler à tout le monde. Nous ne sommes pas en campagne. En fait, nous n’avons qu’à vendre à une petite partie du marché pour vivre. Combien ? A 1000 personnes. Ou à 100. Ou entre les deux.
Le modèle des 1000 superfans
Kevin Kelly définit un superfan comme celui qui achètera tout ce que je créerai :
“Ces fans inconditionnels feront 200 km pour vous voir chanter ; ils achèteront les versions brochées et audio de votre livre ; ils paieront la version DVD "best-of" de votre chaîne Youtube gratuite ; ils viendront à la table de votre restaurant une fois par mois.”
Si vous convainquez 1000 personnes de vous donner 8.50€ par mois, vous atteignez les 100 000€ de revenus. A raison d’un nouveau client par jour, il ne faudrait que 32 mois pour générer 100 000€, donc un an et demi pour atteindre 50 000€.
Même si les résultats sont plus exponentiels que linéaires, ça rend faisable et concrète l’idée de gagner sa vie en ligne.
L’objectif consiste à créer un beau produit spécifiquement pour sa communauté, puis à l’améliorer selon leurs retours. Cette vision exclut les intermédiaires comme les agences marketing, d’édition & co qui s’accaparent une bonne part de nos revenus.
Se concentrer sur la relation directe avec ses abonnés enlève la pression du marketing. Parler en 1:1 avec les membres de son lectorat noue des relations bien plus fortes qu’une pub — et les résultats se sentent sur le long terme, que ce soit sous forme de clients, d’abonnés et/ou d’amis.
Le modèle des 100 superfans
On peut reprendre l’idée des 1000 fans et changer la mire : plutôt que de tirer 100€/an de 1000 personnes, un créateur peut tirer 1000€/an de 100 superfans. Plusieurs facteurs expliquent que de parfaits inconnus nous payent “autant”.
L’émergence des plateformes comme Teachable, Podia, Kajabi, Disciple, Locals ou Mighty Network facilite la relation entre créateurs et clients.
Les individus font de plus en plus confiance à des créateurs dont ils se sentent proches pour se former et s’éduquer (VS les diplômes institutionnels).
Le niveau des créateurs augmentent.
De plus en plus d’individus veulent montrer leur différence. Pour ça, ils cherchent des signaux d’outsiders, plutôt que d’insiders.
Dans son article fondateur, Li Jin illustre le modèle économique des 100 fans :
Le but consiste donc à ce que les membres de votre audience mettent une première fois la main au portefeuille. Ils seront bien plus enclin à le faire une seconde fois, même si le produit coûte 85€/mois, ou 1000€ (comme une formation). Côté créateur, la logique est différente qu’avec un produit à 10€ :
A moi, à moi, à moi
Générer 100 000€ de 1000 fans se rapproche plus de la vision d’un créateur, quand vendre un produit 1000€ requiert de plus sérieuses compétences entrepreneuriales et marketing. Je penses que l’idéal consiste à mélanger les deux.
Je trouve ces deux idées enthousiasmantes. Oui, nous pouvons vivre de nos créations. La prochaine édition creusera le monde des makers, ces (souvent) ingénieurs qui créent des produits sans lever de fonds.
Si cet essai vous a plus, vous pouvez ajouter un 💗 en bas de cet email ~ ça m’aide et ça m’encourage :)
🎶 Douceurs :
—> Retrouvez tous ces sons et 100 autres dans la playlist Spotify Odyssée
Taxer les télétravailleurs plutôt que les dividendes pour aider les travailleurs ? Forcément c’est une banque qui a eu une telle idée ! Deutsche Bank, en particulier.
Pour le premier homme à avoir accompli un tour du monde, si vous avez répondu Magellan vous y êtiez presque ! Si l’on fait confiance à la (GENIALE) bio de Magellan par S. Zweig, l’esclave de Magellan est le premier à avoir fait le tour du monde.
J’espère que ce reconfinement se passe aussi correctement que possible. Si partir dans une Creative House vous branche, juste dites-le moi en réponse de mail et ça part vite vite vite !
Bon week end,
Edition très intéressante, merci ! J'ai notamment beaucoup aimé la présentation du modèle des superfans