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Simon | Odyssée#23 ~ Histoire d'une rencontre improbable dans un métro bondé par 35°
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Simon | Odyssée#23 ~ Histoire d'une rencontre improbable dans un métro bondé par 35°

30 jours comme influenceur Linkedin ~ Le second cerveau ~ Monopole personnel | Noèse YT ~ Le travail doit lutter contre l'entropie ~ L'anthropocène ~ La destruction destructrice ~ La VRAIE croissance
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Salut l’équipe 🍋

Vous en avez peut-être entendu parler : les copains Killian Talin et Valentin Decker ont réuni 1200 créateurs pour un défi 30 jours de création.

Je flânais quelques jours après sa clôture, à me dire que j’étais de plus en plus à l’aise pour publier. Que je savais un peu mieux ce que je voulais dire, pourquoi je prenais la parole et où je voulais aller avec cette publication…

Puis le ciel est devenu :

La vue sur le canal de l’Ourcq, depuis le pont au niveau du Pavillon des Canaux

Perché sur le pont qui surplombe le canal, je rêvais de mon avenir.

Je mettais en perspective mon désir profond de créer, de m’élever et de contribuer à ma façon à construire un monde meilleur désirable.

  • Un monde sans salariat, où créer est une activité d’utilité publique,

  • Un monde où l’on peut avoir plusieurs vies en même temps, et les unes à la suite des autres,

  • Un monde dans lequel la richesse assure inconditionnellement une vie décente (donc pour nous créatifs, la possibilité de créer sans se casser le dos sur son bureau à bourriner en marketing).

C’était doux. Très doux.

Vous connaissez ces instants ?

Ces moments de douceur où vous êtes en apesanteur. Où l’extérieur n’existe plus. Où vous sentez qu’une idée peut jaillir et que la joie peut vous irradier.

Vous les voyez, ces moments qui vous font dire que la vie mérite d’être vécue ?

Pour moi, c’était l’un de ces moments.

Et au milieu de ma contemplation, une idée a jailli.

Mais avant de vous en parler, c’est parti pour le débrief de ces 30 jours à publier sur Linkedin en tant qu’influenceur Linkedin.

I. Vie Créative

Petit débrief de 30 jours à poster

  1. J’ai la confirmation que mon identité évolue

Ca y est, ‘je crée du contenu’. Je suis à l’aise pour promouvoir ce que je fais, qu’il s’agisse de mon coaching ou de ce que publie ici. C’est un changement progessif qui se joue en moi.

Quand j’ai commencé Odyssée, publier m’effrayait. Je me suis forcé à le faire avec Radio Odyssée mais j’étais mal à l’aise. Puis j’ai passé un mois avec des créateurs de contenu. Et maintenant, j’en suis un.

  1. J’intègre à ma vie l’habitude de partager.

Cette idée de “partager comme une habitude” me vient de Show Your Work d’Austin Kleon. Plutôt que de penser l’acte de partager comme de l’auto-promotion, je le vois comme de la générosité.

Résultat ? Je prends du plaisir à cliquer sur publier.

  1. J’ai mon premier hater !

Je me doutais que ce post à propos du travail du futur pourrait agacer des personnes. Mais je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un me le dise.

Avoir un hater est un moment marquant car j’y vois un signe de succès personnel. Je m’étais toujours dit que le jour où j’aurai un hater, ça voudrait dire que j’assume ce que je pense et que je ne fais pas de contenu consensuel.

  1. Le bémol de l’addiction au like

J’ai passé les deux premières semaines à espérer des likes. Je voulais que mes posts décollent. J’avais le goût de la gloire et le clavier entre les dents.

Mais ça m’est vite passé. Checker Linkedin frénétiquement me ruinait la vie (ni plus ni moins — j’suis pas la moitié d’un dramaking).

En conclusion :

J’ai décidé d’y partager aux créateurs comment ils peuvent réussir leurs lancements de (beaux) produits — pour générer assez d’oseille, quitter leur vie de freelance et se concentrer sur le projet qui les anime jour et nuit. Surtout la nuit. Vous pouvez accéder à ces micro-contenus sur Linkedin ou via la CashLetter.

Mon second cerveau

“Les meilleures impros sont celles qui sont préparées”.

Je dirais qu’il en va de même pour la page blanche. Elle n’existe pas quand on est préparé.

Mon second cerveau est l’espace où je prépare mes idées en amont de mes sessions d’écriture. Et je pense que c’est THE habitude que je me dois de construire pour progresser comme créateur de contenu. Pour ça, je développe trois armes :

  1. réunir mes notes (moi j’utilise Roam Research),

    1. synthétiser en amont de mes sessions d’écrire les idées que je veux vous partager (sur un doc, sur un post-it, dans un carnet),

  2. bloquer 3-4 heures de suite sur UNE SEULE TÂCHE.

Comme le dit l’auteur et scénariste François Bégaudeau :

“Quand je passe 4 heures sur la même chose, j’estime que ma journée est une réussite”

Du coup, je teste une solution pour préparer mes séances de création : bloquer 3h sans réunion (voire des journées entières), et organiser en amont mon second cerveau avec mon système de notes et ma bibliothèque de concepts.

Je crée une bibliothèque de concepts

C’est cette idée qui a jailli.

Vous pouvez retrouver cette bibliothèque, qui se construit extrait vidéo après extrait vidéo, sur la chaîne youtube Noèse (Noèse signifie “la pensée” en grec).

J’y publie des extraits auxquels je veux pouvoir accéder pour mes essais.

Et je pars de ces extraits pour entrer dans le sujet du jour :

Le travail au XXIème siècle doit lutter contre l’entropie.

Avant de vous expliquer de quoi il s’agit et pourquoi c’est CA-PI-TAL…

Qui est Bernard Stiegler ? Et pourquoi l’écouter ?

Bernard Stiegler est l’un des principaux philosophes du numérique. Il est étudié de près en Chine et aux Etats-Unis, a dirigé l’INA et a développé le territoire apprenant contributif au sein de l’Institut de Recherche et d’Innovation du Centre Pompidou (qu’il a créé). Il est décédé le 6 Aout 2020.

J’ai d’abord découvert Bernard Stiegler en 2018 avec son premier thinkerview, puis à l’été 2020 via son petit livre d’entretien “L’emploi est mort, vive le travail !”. Ca m’a scotché. Le constat sur notre société est lucide, précis et porte l’espoir de dépasser notre modèle qui s’effondre sur lui-même.

Je lisais ça à l’époque où je trainais des pieds pour aller au bureau ; où je serrais les dents face à la politique menée ; et où je regardais dans le vide à la terrasse des cafés, désemparé par mon impuissance conceptuelle.

Depuis le lycée (ça fait 10 piges !), je ne trouvais personne pour proposer un nouveau modèle économique robuste scientifiquement.

J’étais donc quasiment résigné à me contenter de ma vie de freelance qui voyage — et qui fuit, loin des problèmes que je ne pouvais pas contribuer à résoudre.

Et puis vint cette rencontre.

Portrait du philosophe Bernard Stiegler
« Toute activité de la pensée doit être expérimentale. La philosophie qui n’est pas engagée dans les problèmes de la cité, ce n’est pas de la philosophie. »

Je perlais de sueur. C’était la mi-août et je sortais de ma journée de bullshit job. J’avais ouvert “L’emploi est mort, vive le travail !” dans le métro.

En dépit de cette chaleur insoutenable, je me rappelle être envahi de frissons. Au milieu de mon métro bondé sous 10 000°, j’avais des frissons de joie. Je venais de trébucher sur un passage qui expliquait ce qu’était pour lui le travail.

J’étais touché.

Je me sentais compris.

Quelqu’un proposait ENFIN une approche nouvelle, puissante et concrète. J’ai loupé ma station, fini le livre, griffonné des notes, puis j’ai écrit l’un des premiers essais d’Odyssée.

De fil en aiguille, je me suis plongé dans son oeuvre.

Je me suis renseigné sur le bonhomme : un ancien braqueur qui a fait ses classes de philosophie en prison. Un philosophe non-académique qui descend dans l’arène, s’engage dans la vie publique et qui décrit avec brio les évolutions techniques et sociales de notre temps.

J’étais séduit.

J’ai donc creusé. J’ai intégré “son” Association des Amis de la Génération Thunberg en juillet 2021, j’ai rejoint des séminaires et j’ai suivi des cours.

L’oeuvre de Bernard Stiegler me touche. Si bien que je travaille à me l’approprier, en vue de contribuer à la poursuivre et à la dépasser.

Au début, je vous avoue que j’étais inconfortable avec ce tournant philosophique d’Odyssée. Je ne vois pas de créateur qui lie science, philo et politique avec le travail et la création. La majorité distille des conseils pratiques pour accomplir X ou Y.

Mais à force d’échanger avec vous, j’ai réalisé que ça vaut le coup d’affirmer ma singularité. Et que de toute façon, je ne peux m’en empêcher : il faut que je vous parle de toutes ces découvertes ! De tous ces motifs d’espoir ! De toutes ces idées qui nourrissent ma vie créative et qui font que la vie mérite d’être vécue.

Donc maintenant, j’assume qu’on traite d’idées poussées.

J’assume que ce soit engagé. J’assume de vous mettre des extraits de séminaires universitaires, de papiers scientifiques ou de livres de philo. J’assume de désirer des lectrices et des lecteurs exigeants.

En fait, j’assume mon monopole personnel !
L’intello impertinent qui écrit sur le travail et la vie créative à partir de ses expériences et de la philosophie.

Enfin, j’assume cette anaphore que Zola n’aurait pas reniée. Et j’assume de vous présenter le cadre scientifique de ma réflexion sur la vie créative et le travail du futur.


Le travail du XXIème siècle doit lutter contre l’entropie

Vous savez que je m’intéresse au travail du futur. Que j’essaye de contribuer à dessiner une société où vous n’avez ni à devoir monnayer vos oeuvres pour manger, ni à prendre des clients afin de pouvoir créer (ou passer du temps en famille, avec ses amis et à vous dédier sur le projet qui vous hante).

1. L’entropie, ou la loi la plus universelle de l’univers

Pour penser ce qu’est le travail et la création, je dois partir du cadre dans lequel ils existent. Ce cadre, c’est l’entropie — dont nous voyons les effets au quotidien : guerre économique, sixième extinction de masse, inondations…

En un mot, l’entropie c’est la mort. En quatre, c’est la dissipation de l’énergie. Vous voyez la formule de Lavoisier “rien ne se perd, rien ne se gagne, tout se transforme” ?

Et bien… elle est fausse (!) depuis qu’on a découvert l’entropie en 1865.

« L’entropie, c’est une loi — Einstein disait ‘‘la loi la plus universelle de l’univers” — qui fait que, contrairement à ce qu’a cru l’humanité de tout temps jusqu’à ce moment là, l’univers se transforme. C’est un processus, et ce processus est gouverné par la dissipation irréversible de l’énergie. »

« Ce qui fait qu’un être vivant vit c’est qu’il a une capacité à s’excepter de l’entropie temporairement et localement. Temporairement, c’est la durée de sa vie ; localement c’est l’espace de son enveloppe corporelle plus l’écosystème dans lequel il vit, ce qu’on appelle le biotope. »

Autrement dit, un être vivant vit parce qu’il repousse la mort. Donc il lutte contre l’entropie, bien qu’il ne pourra jamais la vaincre (bonne chance les transhumanistes).

La vie est donc ce qui lutte contre l’entropie. Je pense donc la création et le travail à partir de la nécessité de lutter contre l’entropie. S’il s’agit d’une notion de physique thermodynamique, Bernard Stiegler sort l’entropie de celle discipline.

2. Les 3 entropies

La destruction en cours n’est pas juste physique. Le domaine biologique est en cause, tout comme celui de la pensée via la crise du numérique et de l’information. C’est ce que propose Stiegler, et je trouve cette thèse riche et pertinente.

Ces trois branches de l’entropie sont donc :

  • L’entropie thermodynamique — le réchauffement climatique

  • L’entropie biologique — la sixième extinction de masse

  • L’entropie informationnelle — les fake news ou l’antiscience

« L’entropie informationnelle on en voit très bien les effets aujourd’hui, à laquelle ni vous ni moi nous n’échappons parce que comme vous sans doute, moi en sortant, je vais regarder probablement mon smartphone etc. etc.

Nous sommes sous le contrôle d’un système informationnel qui nous empêche de plus en plus de penser par nous-même, de réfléchir, de faire fonctionner notre ‘noèse’ comme disaient les grecs (c’est-à-dire la pensée, la noesis c’est la pensée). C’est l’époque de la dénoétisation par les technologies de l’information. »

Ce sont sur ces bases que le Giec nous alarme, que Boris Cyrulnik nous alerte sur les taux de suicide chez les enfants et que le conseil national du numérique explique que Facebook [par exemple] n’est pas une technologie de l’attention mais de la manipulation.

Encore une fois, on nous baise le cerveau. Et la question du travail se love au sein de ces enjeux technologiques et physiques.

En quel sens ?

Car ce qui crée de l’entropie, c’est avant tout nos outils techniques (alors que le travail lutte contre l’entropie — en tant qu’activité par laquelle nous cultivons des savoirs, des liens sociaux et prenons soin des psychés). Il faut donc penser la technique, qui est toujours à la fois remède et poison.

3. Le pharmakon technique, pour le meilleur et pour le pire

Le pharmakon, en grec, signifie médicament. Un médicament est toujours positif ET négatif. Un aspirine vous soulage la tête et vous donne mal au ventre. Le téléphone permet d’appeler sa mère mais nous en éloigne physiquement. Batman aggrave les problèmes de Gotham et les résout en même temps.

« L’espèce humaine est une espèce vivante, donc elle est soumise à l’entropie et elle produit de l’entropie négative. Mais par ailleurs, à la différence des êtres vivants qui produisent de l’entropie négative via leurs organes vivants (leurs yeux, leur coeur, leurs intestins), l’espèce humaine produit ça à travers des organes artificiels.

A la différence des organes naturels qui sont spontanément voués à limiter l’entropie, les organes artificiels peuvent augmenter l’entropie. Les organes artificiels, ce sont les objets techniques (un ordinateur, une chaussure, un marteau, une assiette, des lunettes et même un mot).

Ces réalités techniques sont des pharmaka (pluriel de pharmakon). Un pharmakon, en grec, c’est un poison et un remède.

Nous avons énormément développé les organes artificiels et on a énormément augmenté l’entropie. Aujourd’hui, ça rapporte de produire de l’entropie, mais ça détruit la planète. Donc à très court terme, ça détruit tout le monde. »

Si ça rapporte, c’est parce que l’économie moderne valorise la destruction : le PIB mesure la destruction. Mais avant d’en arriver là, la question que soulève Bernard Stiegler ici est celle d’une approche globale de la question de l’entropie.

Un autre philosophe a posé cette question de la lutte contre la destruction. Il s’agit de Félix Guattari en 1989, et Anne Alombert, maîtresse de conférence en philosophie à Paris 8 en parle très bien.

4. Le problème écologique est triple

En 1989, dans Les 3 écologies, Félix Guattari soutient que le problème écologique est triple :

1. L'écologie environnementale : les rapports entre l'humanité et la planète, entre les populations et leur milieu (Guattari donne l’exemple des algues mutantes dans les lagunes qui menacent les environnements naturels)

2. L'écologie mentale : question des subjectivités humaines (la diffusion des écrans de télévision qui menacent les environnements psychiques)

3. L'écologie sociale : la question des rapports sociaux (la diminution de la diversité des langues humaines, la détérioration et de la standardisation des modes de vie intellectuel et collectif)

Pour Guattari, ces différents problèmes doivent être articulés. La question écologique est donc triple.

Vous commencez peut-être à voir la filiation que fait Anne Alombert entre ces concepts et les 3 entropies. Aussi, je dois dire que je m’inscris dans cette lignée : nous ne pouvons pas penser l’écologie environnementale sans s’intéresser aux hommes, donc aux systèmes sociaux et au système technique.

Anne Alombert précise d’ailleurs sa pensée dans son article Panser l’après : vres un monde habitable et désirable, et qu’elle résume dans l’extrait ci-dessus :

« Les différents types de crises écologiques décrites par Guattari peuvent être décrites en termes d’entropies […] Si on s’accorde pour décrire l’anthropocène comme un problème d’entropie aux trois niveaux écologiques, alors la seule manière de lutter contre l’anthropocène est de lutter contre la triple augmentation de l’entropie qui détruit :

  • Les environnements naturels

  • Les capacités psychiques individuelles

  • Les institutions sociales

Et pour cela, il est nécessaire d’expérimenter un modèle économique qui valorise la production de néguentropie.

La néguentropie, c’est ce qui lutte contre l’entropie. Donc ce qui favorise le lien social, la culture de savoirs, la pratique de l’amour, la régénération des eco-systèmes, l’émancipation de la pensée, la confiance entre nous et dans nos institutions.

Autrement dit, la question écologique est triple et comme le disait Chico Mendes : « L’écologie sans la lutte des classes, c’est du jardinage ». Pour penser l’écologie, il faut questionner le modèle économique, social et technique.

D’où ce détour scientifique : penser le travail implique de penser le contexte, qui s’appelle l’anthropocène.

5. Refonder les bases scientifiques de l’économie pour sortir de l’anthropocène

« Qu’est-ce que c’est que l’anthropocène ?’

Ca vient d’anthropos, donc Anthropocène ça veut dire ‘ère géologique dominée par l’homme’ où l’homme est devenu le premier facteur des processus géologiques. […]

Et qu’est-ce que c’est ? C’est la destruction de la planète. Ca accélère, surtout après la seconde guerre mondiale. Et cette accélération, le GIEC nous dit en 2018 que la hausse de température à la fin du XXIème siècle sera de 5.8 degrés. Ca sera insupportable pour la planète, et pour les formes de vie supérieure, donc pour l’espèce humaine.»

Dans notre société hyperindustrielle, la destruction est valorisée.

Par exemple, un accident de voiture génère de la croissance. Plus l’accident est gros, plus il y a de taule à changer, et plus l’activité générée sera importante.

« Nous pensons que ces règles comptables sont fondées sur des indicateurs économiques qui sont faux et qui ont en gros pour effets très pervers de valoriser l’augmentation de l’entropie.

C’est-à-dire que plus vous produisez de l’entropie, plus vous êtes solvable. Sauf que vous êtes solvable à court terme, mais à long terme vous détruisez la planète. 

L’anthropocène, c’est une augmentation générale de l’entropie. »

C’est toute la théorie de la destruction créative de Schumpeter qui vole en éclat.

6. La fable de la destruction créatrice

Cette théorie, qui est enseignée dans tous les manuels d’économie et qui constitue le socle de notre “économie de la croissance”

Cette théorie ne tient pas la route à long terme, car elle ne prend pas en compte l’entropie. C’est que démontre en 1971 le mathématicien Nicholas Georgescu-Roegen dans The Entropy Law and the Economic Process.

« L’entropie est la cause de l’anthropocène et de ses effets toxiques. Paradoxalement, toute l’économie — financière (les banquiers qui investissent), industrielle, agricole, de service, domestique… — est basée sur une physique qui ne tient pas compte de l’entropie. […]

Alfred Lotka, un mathématicien et biologiste a fait une analyse entre 1920 et 1945 des effets de l’entropie dans le champ de l’activité humaine. Il a montré que l’humain, comme tous les êtres vivants, lutte contre l’entropie. Mais à la différence des autres êtres vivants, ses organes ne sont pas endosomatiques (c’est-à-dire biologiques, produits par son évolution corporelle liée à la biologie) ; mais exosomatiques (c’est-à-dire artificiels).

Nous sommes dans un environnement totalement artificiel : je porte des lunettes, je parle dans un micro, il y a des murs et il y a un éclairage. Tout ça est artificiel.

Dans The Law of evolution as a maximal principle, Alfred Lotka explique que l’homme, s’il ne développe pas des savoir pour lutter contre le potentiel entropique des organes artificiels qu’il produit est condamné à disparaître.

Il faut donc repenser complètement les modèles de la physique et de la biologie pour intégrer le caractère artificiel des organes qui produit l’homme, et surtout à notre époque parce qu’avec la révolution industrielle, la production d’organes artificiels s’est extrordinairement accélérée.

Je soutiens qu’en 1945, Alfred Lotka annonce déjà ce qu’on appelle l’ère anthropocène. Et il pose que seul un développement de nouveaux savoirs permettra de lutter contre la toxicité. »

Pour moi, comprendre que notre (sur)vie dépend d’organes externes que nous produisons a fait l’effet d’une bombe. Ca change ma vision du monde, car ça place la technique au centre de l’analyse. Ca met au coeur de la question du travail (et de la vie) le rapport entre système technique et systèmes sociaux.

Le travail doit donc trouver son organisation et son sens (sa direction et sa signification) au sein de ce rapport. Et l’économie doit lutter contre l’entropie, c’est-à-dire nous donner un cadre où développer des savoirs afin de savoir utiliser les nouvelles technologies, au risque de disparaître en tant que civilisation.

7. Inventer une véritable croissance

« La croissance, c’est ce qui permet le développement de l’avenir. Ce dans quoi on est c’est pas du tout de la croissance. C’est de la mécroissance. C’est ce qui empêche le développement de l’avenir. C’est ce que nous dit le GIEC.

Donc ce qu’il faut c’est réinventer la croissance. »

Cette croissance passe par la luttre contre l’entropie. Par conséquent, le travail du futur luttera contre l’entropie ou ne sera pas [pour emprunter la formule d’André Malraux, qui disait « Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas »].

Pour conclure, je ne fais pas confiance à celles et ceux qui blablatent sur le “travail du futur” sans partir de la nécessité de refonder les bases scientifiques de l’économie pour sortir de l’anthropocène qui consiste en une accélération entropique.

Une bonne phrase de 4 lignes comme on nous dit de ne pas en écrire.

Bisous,

A dans deux semaines, environ

Simon 🍋

PS : si vous aimez Odyssée, vous pouvez faire tourner. Quand on est mille ici, on fait la fête.

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Noèse
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