Simon | Odyssée #14 ~ S'extraire du travail pour mener une vie ludique
La Vida Loca ~ MAYDAY MAYDAY ~ Chicago, 1er mai 1886 ~ Le temps c'est de l'argent ~ La servitude volontaire ~ Abolissons le travail ~ S’extraire du travail est la vraie rébellion ~ La société ludique
Avis aux copywriters qui me lisent : Agora France propose une résidence de 10 semaines pour apprendre à rédiger des copys qui génèrent 500 000€ (les portes ferment dans les prochains jours). C’est la formation que j’ai suivi il y a un an, dites-moi si vous avez des questions :).
Salut l’équipe 🍋
Cette édition vous arrive depuis Madrid. Je devais y rester 10 jours pour voir des amis d’Erasmus… Puis ça a dérapé. Je suis là depuis un mois — assez pour me mettre à l’espagnol, manger des tortillas au petit-déjeuner et retrouver ma liberté.
Quel est le journal qui gagne le plus d’argent au monde ? Le test du MBTI est-il fiable ou complètement flingué ? Pourquoi le 1er Mai est-il férié ?
LA VIDA LOCA
Rester en Espagne m’a reconnecté à mes aspirations de nomade. Refuser de prendre mon avion m’a rappelé que je contrôle ma vie. Je réalise que j’avais accepté le confinement comme irreversible et perdu l’espoir de mener cette vie de créatif-aventurier. En tant qu’éternel optimiste, je n’étais pas prêt.
L’espoir est l’oxygène de notre vie spirituelle.
Nous avons besoin de croire que quelque chose a de l’importance, sinon nous sombrons dans le nihilisme — en gros l’univers que Sauron rêve de construire. Quand on ne croit pas que demain peut être mieux qu’aujourd’hui, on désespère. J’ai donc appris par l’expérience ce que confirme la psychologie :
Le contraire du bonheur n’est pas la tristesse, mais le désespoir.
Au coeur de l’hiver, il me fallait une heure pour sortir du lit. J’avais du mal à me concentrer et à avancer sur mes projets. Je me sentais prostré entre le fantasme et l’action. Je manquais de perspectives futures. Je ne me sentais plus maître de ma vie.
Ce n'était pas de l'épuisement - nous avions de l'énergie. Ce n'était pas une dépression - nous nétions pas désespérés. Nous nous sentions juste sans joie et sans but. Il se trouve qu'il y a un nom pour cela : la langueur.
La langueur est un sentiment de stagnation et de vide. On a l'impression d'avancer à pas de tortue, de regarder sa vie à travers un pare-brise brumeux. Et ca pourrait être l'émotion dominante de 2021. — Adam Grant ~ Languishing, The New York Time
J’ai délégué le contrôle de ma vie aux décisions politiques. Je me suis convaincu de vivre à moitié. Je me suis rendu à mon sentiment d’impuissance. J’ai accepté ma servitude volontaire et abandonné le contrôle de ma vie. Face aux stresseurs, nous avons trois choix : fight, freeze or flight. J’ai clairement freeze.
Aujourd’hui, à défaut de me battre, je fuis et retrouve de la liberté. Rester en Espagne m’a permis de m’extraire et de retrouver des couleurs. Je me suis remis en mouvement et retrouve une bien plus grande énergie créative. Je n’ai jamais été aussi productif qu’en avril 2021 — avec l’essai le plus ambitieux de ma vie à sortir prochainement :
L’exigence de créativité : créer est le raccourci ultime vers la joie, la connaissance de soi et la transcendance. (Mai)
Si nous ressentons tous un vide à l’intérieur de nous-même, nous le remplissons chacun·e à notre façon.
Si vous considérez que la vie a une raison d’être, alors vous devez trouver cette raison d’être qui pré-existe à votre vie. Vous devez coller à un standard, comme aux précepts d’une religion ou d’une idéologie. Le libre arbitre n’existe pas vraiment, et être heureux n’est possible que dans le respect de cette raison d’être.
Mais si vous considérez que votre vie n’a aucun sens, alors vous avez la responsabilité inventer le sens de votre vie… Ce qui est une super nouvelle ! Vous n’avez pas à obéir à une vision pré-existante de la Bonne Vie. Vous déterminez vos valeurs par delà le bien et le mal de la morale. Vous créez le sens de votre existence.
Dans cet essai, je propose que la création est la voie royale vers une vie intense, joyeuse et mémorable — car cet art de vivre suppose de créer un espoir antifragile, une haute tolérance à la douleur et à transcender sa condition. Comme le disait Nietzsche : l’artiste est le surhomme par excellence.
Le dernier épisode de Radio Odyssée saison 1 avec Thincoeur — rappeur, producteur et directeur du studio créatif 9ArtistLab
(Sortie le 12 mai 2021)
D’ici là, je vous envoie écouter la discussion passionnante de l’épisode 10 avec Anne-Claire Lecat, fondatrice de Eeko Factory — l’excellent programme d’accompagnement pour podcasters·trices.
C’était un moment plein de douceur (comme moi au long de l’entretien, la voix d’Anne-Claire vous détendra). Vous y apprendrez comment elle a créé sa micro-communauté, monétisé son audience et surpassé ses barrières mentales. Je sais que cette conversation m’a aidé à me débloquer — notamment a accepté que je suis 100% légitime.
Un épisode à écouter sur Anchor, Spotify, Google et Apple Podcast.
MAYDAY MAYDAY
Le travail économique est l’esclavage de la conscience. La liberté commence quand on supprime ses maîtres. Si les ouvriers du XIXe mourraient à 30 ans, notre confort moderne ne change pas le problème : il faut abolir le travail pour inventer une nouvelle société. C’était tout l’enjeu de ce 1er mai 1886. Action.
Chicago, le 1er mai 1886, 22h.
A Haymarket Square, l’anarchiste August Spies termine son dicours. La première grève générale de l’histoire prend fin dans le calme. Mais alors que la foule se disperse, la police ouvre le feu, tue un ouvrier et en blesse une dizaine. Révolté par cette violence, August Spies rédige un appel à la mobilisation pour le 4 mai.
De nouveau, la mobilisation est pacifique. Tout se passe tranquillement, le maire de Chicago rentre chez lui… Quand soudain, un bâton de dynamite arrive sur les policiers qui dégainent, massacrent et arrêtent arbitrairement 8 anarchistes.
5 seront condamnés à mort, 3 autres envoyés en prison — sans preuve, mais avec la ferveur du jury. Le vendredi 11 novembre 1887, les anarchistes tombent de leur potence et le terme Black Friday apparaît. En commémoration de ces martyrs, les fédérations anarchistes s’unissent et décrètent le 1er mai “jour des travailleurs”.
Le temps c’est de l’argent — n*que ta mère
En 1748, Benjamin Franklin lache sa meilleure punchline, “Le temps, c’est de l’argent”. Il venait de sanctifier la définition moderne du travail : ‘utiliser son temps pour gagner de l’argent’. Si travailler pour ‘gagner sa vie’ nous semble évident, cette définition du travail n’a rien de naturelle ou d’immuable.
Les chasseurs-ceuilleurs travaillaient 4 heures par jour et s’adonnaient à des loisirs complexes, qui stimulaient leur pensée et leurs émotions. Les loisirs faciles, qui ne requièrent aucune compétence, sont apparues avec la révolution industrielle.
Chez les Grecs et les Romains, vendre son temps était la plus vile des attitudes : “Celui qui donne son travail pour de l'argent se vend lui-même et se met au rang des esclaves.” — je suis d’accord avec Cicéron. Même Adam Smith, dans la bible du petit capitaliste La richesse des nations alerte sur les dangers du travail :
“La compréhension de la plupart des hommes est nécessairement formée par leurs emplois ordinaires. L'homme dont la vie se passe à effectuer quelques opérations simples... n'a pas l'occasion d'exercer son intelligence.... Il devient généralement aussi stupide et ignorant qu'il est possible à une créature humaine de le devenir.”
Cette vision du travail me révolte. Personne n’a envie d’échanger 1/3 de sa vie pour sa survie économique. Pourquoi le travail économique devrait organiser votre vie ? Notre définition du travail est flinguée et la réalité des travailleurs l’est encore plus. Si le temps c’est de l’argent, la vie c’est la précarité :
Seul 1 employé sur 8 se déclare engagé dans son travail.
82% sont au SMIC.
21.87% des français ne travaillent pas.
2% des indépendants gagnent plus de 33 000€ après trois ans d’activité.
La société du travail est fragile. La raréfaction de l’emploi, les inégalités glaopantes et la liturgie de l’austérité menacent notre modèle économique du travail. Les experts et politiques parlent de salaires, d'horaires, de conditions de travail, d'exploitation, de productivité, de rentabilité — mais personne ne parle du travail en soi.
Le travail est une production imposée par des moyens économiques ou politiques, par la carotte ou le bâton. (La carotte n'est que le bâton par d'autres moyens.) Le travail n'est jamais fait pour lui-même, il est fait en fonction d'un produit ou d'un résultat que le travailleur (ou, plus souvent, quelqu'un d'autre) en retire. ~ Bob Black, The Abolition of Work
La servitude volontaire
Nous échangeons notre liberté contre du travail. L’age d’or du capitalisme post deuxième guerre mondiale avait construit un “package sécurité”. En échange de leur servitude, nos boomers de parents et grands parents chéris vivaient dans un monde prévisible où l’incertitude était matée.
Pendant la majeure partie du vingtième siècle, les travailleurs étaient protégés par les grandes entreprises fordistes. Ces titans étaient exceptionnellement résistants car ils bénéficiaient de la stabilité dérivée de l'État-providence, d'un système bancaire bien réglementé et de réglementations industrielles appropriées.
À leur tour, ils ont pu offrir aux individus des emplois stables qui sont finalement devenus le catalyseur de bien plus qu'une forme de travail : un revenu prévisible, des prestations sociales généreuses, une représentation amplifiée par des syndicats puissants et l'accès à des logements abordables et à des crédits à la consommation. ~ La chute des Cathédrales, Nicolas Colin
Nous héritons de cet accord tacite : notre liberté contre du confort. Le travail structure nos droits (chômage, retraite, naturalistion), notre statut social, notre confort matériel et notre identité. Les week-end existent uniquement parce que le travail existe. Le travail cannibalise notre vie.
Le travail est la source de presque toute la misère du monde. Nous consacrons notre temps libre au repos, à créer pour nos projets passion et à regretter de ne pas plus voir nos proches. Nous avons beau être au top en terme de richesses, d’espérance de vie et de santé, nous n’avons jamais été aussi déprimés, addicts aux drogues et sujets à l’anxiété. Notre société fondée sur le travail est malade.
#Abolissons le travail
Même si nous sommes dans des jobs créatifs, le travail économique nous abrutit. J’écris ce texte avec la pression de devoir prêter mon cerveau à mon employeur dans 20 minutes. Après ma journée, il me faudra 2-3 heures pour le récupérer et être de nouveau créatif.
Bien que je sois en remote derrière mon ordinateur, je reste un moyen de production qui doit s’estimer heureux de sa situation. “Simon, c’est la crise et t’as un bon job, t’es “chanceux”. C’est humiliant. Ca porte atteinte à ma liberté, à mon honneur et à ma créativité.
En tant que créateur, je tente d’abolir le travail pour conquérir ma liberté. Abolir le travail ne signifie pas finir le catalogue Netflix et devenir ambassadeur Vico. Au contraire, c’est une ode à la créativité, à la convivialité et au jeu — soit les valeurs que je défends et que je retrouve dans l’économie des créateurs.
S’extraire du travail est la vraie rébellion
Je ne parle pas ici de devenir rentier, de vendre des tubes de vaseline en dropshipping ou pire, de fonder une boîte dont les bureaux sont à WeWork. De Slack à Deliveroo, 99% des entreprises ne résolvent aucun problème et proposent des bullshit jobs :
“Un bullshit job est une forme d’emploi rémunéré qui est si totalement inutile, superflue ou néfaste que même le travailleur ne parvient pas à justifier son existence, bien qu’il se sente obligé, pour honnorer les termes de son contrat, de faire croire qu’il n’en est rien” ~ Bullshit Jobs, David Graeber
Cette forme de travail incarne la servitude volontaire. Je parle de créer pour inventer, à son échelle, une vie qui échappe au travail et qui s’ouvre au jeu, à la créativité, à la convivalité et à la liberté.
Je reconnais que s’extraire du travail est difficile. Quand j’essaye d’expliquer ce que vous venez de lire, la majorité des gens ne comprennent pas. “Mais comment tu vas vivre ?”, “Mais si plus personne ne travaille, comment on mange?”, “Ah mais t’es une feignasse en fait”, “Nan mais c’est juste que t’as pas trouvé le job qu’il te faut”…
En vérité, je sais très bien la vie que je mène et veux mener : une vie ludique où travailler ne signifie pas gagner de l’argent. A mes yeux travailler est l’activité qui signifie :
Se transformer soi consciemment, s’élever intellectuellement, spirituellement, sensuellement et physiquement;
Interragir avec le monde environnant pour le transformer et inventer du sens;
Fabriquer quelque chose de concret, utile et/ou beau — donc voir l’ensemble du processus de production et le produit fini;
Nouer du lien au sein de communautés qui partagent les mêmes valeurs et aspirations.
Je place les valeurs de créativité, convivialité et d’élévation personnelle & collective au coeur de ma vision du travail.
La vie ludique
Je défends une la vie ludique, où nous jouons et créons pour jouer et pour créer. Jouer ne se cantonne pas aux échecs, au foot ou au scrabble avec Mamie. La danse, le sex, la conversation ou le voyage sont aussi des jeux. Nous faisons ces activités pour elles-mêmes, pas pour d’éventuels résultats — au contraire du travail.
Dans mon emploi actuel, je crée pour produire. Quand je serai freelance, je créerai pour produire. Quand je serai entrepreneur, je créerai pour produire. J’aspire à inventer et créer sans la pression financière. Mais dans un monde matérialiste où gagner de l’argent est une obligation, les créateurs sont quasiment tous freelances.
Rares sont ceux qui ont l’argent pour créer librement — donc nombreux sont les créateurs contraints. Ca n’a pas à être une fatalité. Rejeter ce dogme économique est possible — à condition de gagner assez d’argent avec sa créativité pour s’extraire du travail, ou de vivre dans une communauté autonome. Ou les deux.
Le jeu est tout le contraire. Le jeu est toujours volontaire. Ce qui pourrait autrement être un jeu est un travail s'il est forcé. Il ne s'agit pas de dire que le jeu est sans conséquences. Cela revient à dévaloriser le jeu. Le fait est que les conséquences, si elles existent, sont gratuites.
Jouer et donner sont étroitement liés, ce sont les facettes comportementales et transactionnelles d'une même impulsion, l'instinct de jeu. Ils partagent un dédain aristocratique pour les résultats. Le joueur obtient quelque chose en jouant ; c'est pour cela qu'il joue. Mais la récompense essentielle est l'expérience de l'activité elle-même (quelle qu'elle soit). ~ Bob Black, The Abolition of Work
Ma vie ludique serait un mélange de recherches, d’écriture (essais, documentaires), d’artisanat (j’admire les tourneurs sur bois et les souffleurs de verre), d’enseignement (cours, conférences), de jeux (foot, échecs, danse, voyages) et de logistique (gestion de lieu). Cette vie requiert de s’extraire du travail et de ses dogmes.
Personne n’est heureux parce qu’il est productif, mais les personnes satisfaites de leur vie ont toutes le même point commun : elles s’amusent ! Embrasser les mauvais côtés de la vie n’est possible que s’ils ont du sens. Les misères que le travail causent n’ont pas de sens à mes yeux, donc je n’ai pas d’autre choix que de m’en extraire… Et de créer, partager et m’amuser !
Odyssée X Samuel Durand
L’une des meilleures choses dans la vie de créateur·trice sont les potes qu’on se fait en route. Vous découvrirez dans chaque édition un·e pote dont j’aime le travail et qui peut vous aider à devenir un·e meilleur·e créateur·trice.
Madrid accueille nombre de français, et j’ai eu l’agréable suprise de rencontrer Samuel Durand qui vient de sortir son documentaire Work In Progress :
On a discuté de ce qui nous motive pour travailler. Pour Samuel, c’est le plaisir de la création, la reconnaissance de ses pères et le désir de contribuer.
Il rédige deux fois par mois son Billet Du Futur pour tout comprendre sur celles et ceux qui conjuguent déjà le futur du travail au présent. Je vous envoie vers son billet “C’est trop beau la vie d’artiste” pour y trouver une analyse aux petits oignons du marketing d’influence pour créateurs.
🖌️ Trouver son style : imiter, se planter, trouver.
David Perell en parle dans cette jolie vidéo, Austin Kleon dans cet article et Jérémie Claeys dans ce monologue. Dans mes essais, je copie surtout Tim Urban, Mark Manson et Nassim Taleb. Et vous, qui vous inspire ? Dîtes le moi, je suis curieux :)
📚 Everything is fucked : A book about hope ~ Mark Manson.
10/10. J’ai lu ce bouquin deux fois et vous résume 11 idées en une thread.
🧬 Le test MBTI, aussi fiable que Zidane ou Bullshit as fuck ?
Selon vos avis sur Insta, c’est 50-50. Selon la science… Le MBTI est un horoscope. Aucune étude sérieuse pour le backer, un test feel-good et construit sans méthode scientifique. Zéro pointé, et voici les preuves (et des alternatives).
💸 The New York Times a généré 7,5 millions $ en 2020
Loin devant le premier français (300 000$, Le Monde). A noter que The Athletic, spécialisé en analyse sportive, cartonne avec un million de revenu. Tous les chiffres ici.
Et bonne nouvelle pour nous créateurs·trices : les lecteurs·trices s’habituent à payer plusieurs abonnements — ce qui signifie que le marché est en clin à payer des bons produits d’information par abonnement.
💬 Commaunuté
Si cette édition vous a plus, vous pouvez ajouter un 💗 en bas de cet email ~ ça m’aide et ça m’encourage :)
Excellente semaine,
Encore une fois Simon, je bois tes paroles avec ma tête, mon corps et mon coeur. À chaque phrase je me dis mais "oui, exact, je ressens ça aussi". Merci d'avoir mis tes mots là où j'ai parfois du mal à poser les miens. J'ai décidé de faire un break, je me sens vidée par cette pression où je peine à trouver mon alignement. à bientôt ! Chloé GDL
J'apprécie que vous parliez là où j'ai parfois du mal à le faire. J'ai pris la décision de prendre des vacances car le stress d'essayer de retrouver mon alignement m'a épuisé. Je te verrai bientôt ! Cathy GDL https://Wikiparagon.com/